Kaolins, manufacture du paysage

Des étendues muettes, fendues de silence, qui absorbent le pas avant même qu’il se pose. Ici, la terre blanche ne se donne pas : elle se soustrait. Elle résiste sous la lumière. Elle garde, en creux, la marque d’un geste ancien, ou peut-être à venir.

C’est une matière qui a cessé d’être neutre et dans laquelle il faut discerner les minuscules inflexions, la porosité entre ce que l’œil voit et ce que le sol n’a pas encore livré. Un dépôt en attente.

Ces masses blanches s’imposent au territoire comme des paysages intérieurs. Pas de pittoresque, pas de grandiose. Seulement la fragilité d’un monde entamé, modelé, manufacturé, où l’intervention humaine n’efface pas le sauvage, mais l’imbibe.
Le kaolin devient le corps d’un récit plus vaste : récit d’exploitation, de transformation, d’usage. Dans cette poussière, se dessine une mémoire altérée, presque archéologique, où la beauté naît de l’ambivalence entre arrachement et dévoilement.

On pense aux premiers gestes humains sur une planète étrangère. C’est une cérémonie d’ensevelissement, un atelier d’érosion qui se déploie sous une lumière diaphane. Arpenter ces paysages, c’est consentir à ne pas tout comprendre. À rester au seuil et laisser la matière parler d’elle-même, depuis ce point de fracture où la nature n’est déjà plus intacte, et n’a pas encore cessé de l’être.

2017-2019